La magie du Québec

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La magie du Quebec YPM

Les quatre autobus aux vitres fumées avaient déjà disparu entre les haies d’immeubles vitrés du centre de Montréal. A l’intérieur, des coureurs, des directeurs sportifs, des masseurs, des mécanos, des journalistes, des pilotes de motos ou de voitures. Une sorte d’arche de Noé de la chose cycliste.

Direction l’aéroport puis l’Europe, d’autres courses, d’autres classements, d’autres podiums. La roue tourne. La routine.

A l’angle du Boulevard Kennedy, une poignées d’hommes et de femmes avaient le cœur serré. Un an de travail prenait le large et les voilà, sur leur bout de trottoir à ne plus savoir s’il faut rire ou pleurer, être soulagé ou dépité. Un peu de tout cela, c’est certain, tant les Grands Prix Cyclistes Québec et Montréal se construisent avec de l’âme, des tripes et de l’intelligence. Douze mois de boulot pour deux jours de course. Dit comme ça, c’est presque démesuré. Sous le regard interloqué des automobilistes, on s’étreint, on se tape dans la main. Il y a des rires et des larmes. Les Grands Prix Cyclistes Québec et Montréal 2015 sont finis.

Amener le peloton mondial dans la Belle Province, pour deux courses de l’UCI WorldTour. Drôle d’idée. Un peu comme si les Dallas CowBoys et les Broncos venaient se mettre une peignée à Geoffroy Guichard. Serge Arsenault en a rêvé. Alors Serge Arsenault l’a fait. Serge, c’est le chef de la « gang ». Une voix, une stature, une gueule à la Burt Lancaster et deux yeux bleus qui expriment toute la palette des sentiments humains. Serge est Québecois, homme de télé, homme de sport, homme de cœur, homme de défi. Tout est dit. Pour les siens, il est « cacoun ». Pour les autres, Monsieur Arsenault.

A deux reprises, depuis les années 80 puis à l’aube des années 2000, il avait attiré le cyclisme professionnel au Québec.

La première fois, les organisateurs européens, effrayés par cette pincée de poil à gratter dans leurs certitudes avaient trouvé la solution en déplaçant les courses du mois d’août à fin septembre en se disant qu’avec un peu de chance, tout cela se terminerait par une course de chiens de traineau. Ce qui fut (presque) le cas.

La seconde, la Transcanada, course par étapes de Québec aux Chutes du Niagara, ne collait pas aux réalités d’un territoire démesuré. On se souviendra juste que Goooooooord Fraser, sprinteur canadien rarement effarouché, avait joué les gros bras.

Le troisième essai est une totale réussite et en six ans, les GPCQM ont l’assise d’une classique centenaire. Tout y est millimétré, pensé, étudié, avec une touche de charme et d’âme en plus. Cet après-midi, les coureurs, les directeurs sportifs, en quittant Montréal, avaient l’impression de laisser des amis qu’ils reverraient avec plaisir dans douze mois. Chaque course est un morceau de bravoure, dans un cadre somptueux. Québec et son circuit typique qui épouse les contours de la vieille ville, tourne autour du Chateau de Frontenac et longe le majestueux Saint-Laurent.

Montréal et son décor urbain sur ce circuit du Mont Royal où plane encore l’ombre cannibalesque du roi Eddy, champion du monde en 1974.

A chaque fois, de la fureur, de la passion. Des courses usantes qui accouchent d’un vainqueur qui ne gagne pas un concours de circonstances. Dimanche, à Montréal, nous avons eu le privilège de vivre une des plus belles épreuves de la saison. Sous une pluie battante, le peloton s’est battu comme sur un ring pour, au final, voir Tim Wellens, jeune belge aux dents longues rafler la mise.

Participer à cette organisation est une fierté. Être un de ces maudits français avec Charly Mottet, Bernard Vallet, Yves Hezard, Philippe Crépel et quelques autres qui apportent leur petit caillou à ce beau monument est une source de bonheur permanent.

La magie de Skype et des mails rend possible cette aventure transatlantique au goût sucré et le lien est fort.

Tout à l’heure, en montant dans mon taxi pour filer à mon tour vers mon coin de paradis alpin, j’ai pensé à toute la gang. Serge, Marcel, Ariane, Linda, Joseph, Virginie, Alex, Véro, Hélène et tous ces drôles de Québecois qui, depuis 2010, oeuvrent avec passion pour mettre sur pied le plus beau et le plus attachant moment du calendrier mondial.

Merci les « chums » pour ces instants rares.