Régional de l’étape
La notion peut paraître désuète. Elle l’est certainement un petit peu.
Elle nous renvoie aux résumés en noir et blanc, la voix de Paulo la science en bande sonore. On y voit un coureur, un boyau autour du torse, la casquette relevée, qui sort du peloton à un train de sénateur pour aller embrasser sa famille avant de reprendre sagement sa place dans la multitude qui pédale en rythme et a attendu qu’il ait fait la bise à tout le monde pour reprendre sa vitesse de croisière.
C’est le régional de l’étape. Le gars du coin. Le copain, le cousin, que l’on croise à la boulangerie et qui a toujours un mot sympa. Le bon mec que l’on suit depuis des années, à la fois pote et supporter, fier de voir de le voir à la télé, au milieu des stars du peloton.
Cela pourrait être rangé dans la vieille histoire du vélo, quelque part entre la course à la canette et l’accordéon d’Yvette Horner. Pourtant, dans un cyclisme qui se compte en watts, où chaque équipe programme méticuleusement chacun de ses gestes, le régional de l’étape a la peau dure.
Dans le peloton, on est picard, auvergnat, breton, savoyard ou drômois et ce fil d’acier qui lie un champion à son terroir traverse le temps et les époques.
Aujourd’hui, le régional de l’étape était normand et s’appelait Mikaël Chérel. Mika, équipier dévoué de l’équipe AG2R LA MONDIALE, offre son talent et sa force à ses leaders, même quand son corps lui hurle de baisser le rythme.
Au kilomètre 60, il entrait dans Saint Hilaire d’Harcouet, là où il est né, là où il a grandi, où il a, un jour, posé ses pieds sur les pédales et d’un coup de guidon hésitant trouvé son équilibre sur deux roues.
Comme aujourd’hui le peloton faisait relâche, Mika a eu son bon de sortie pour traverser sa ville enveloppée par les vivats de la foule.
Six kilomètres plus loin, il grimpait la côte des Loges Marchis, un raidard rectiligne qui peut faire mal aux pattes des cyclos présomptueux. Tout au sommet, pas très loin de l’endroit où il avait vu passer le Tour de France pour la première fois, l’attendait sa famille et tous ses copains. Certains portaient les maillots de son club… dont son père est président. Des vieux, des jeunes, des mamies, unis dans un joyeux bordel et beaucoup d’affection.
Au sommet, il a souri, levé la main, frôlé les doigts de son père… et poursuivi sa route des images de bonheur sur deux roues plein la tête…
Quelques instants après, le peloton revenait au 21e siècle et l’avalait…
Joli moment avant de quitter la Manche…
Mercredi, le Tour arrive dans le Cantal… Pas sûr que Romain ait son bon de sortie. Pourtant, il a de la famille du côté du Lioran.